Recueilli par Madeleine Jelstrupp
Interview: les voyages de Jean-Charles de Castelbajac, antidote à la morosité
Rencontre avec l’ artiste visionnaire qui va créer la paramentique de la cathédrale Notre-Dame de Paris et fait voler les anges sur les murs.
Ses premières créations? Un manteau coupé dans sa couverture de pensionnaire et des vêtements en serpillière qui lançaient ainsi le concept de l’up-cycling. Depuis la fin des années 1970, Jean-Charles de Castelbajac a toujours un coup d’avance et illumine le monde de l’art et de la mode avec ses graphismes joyeux inspirés par l’enfance. Antidote à la morosité, l’œuvre de cet artiste protéiforme, qui se définit comme “une énorme boule à facettes de création avec des milliers de reflets, une planète de curiosité”, s’affiche pour la première fois sur les murs de Paris tandis qu’il sème ses anges partout sur son chemin. Il est l’artiste choisi pour créer la paramentique de Notre Dame de Paris pour sa réouverture le 8 décembre. Rencontre.
Parlez-nous de votre actualité.
J’ai installé un Ange géographe au 184, boulevard Saint-Germain, dans le square Taras-Chevtchenko, à Paris 6e. Il s’agit d’une sculpture de 15m de haut sur le mur de la Société de Géographie, en treillage. L’Ange tient le globe entre ses mains, c’est vraiment le prince des voyageurs. Il sera dans ce square pour toujours, ou du moins pour longtemps. Par ailleurs, j’ai été choisi pour créer la paramentique qui sera portée lors de la réouverture de la cathédrale Notre-Dame de Paris, puis pour les jours de fête par la suite.Que vous évoque le mot “voyage” ?
Inspiration, respiration. Le voyage, c’est l’étincelle du départ de feu d’une idée. Il y a deux voyages: le visible et l’invisible, où je plonge dans l’histoire des lieux que je traverse.
Quelle serait votre définition du voyage idéal?
Une quête culturelle, une oasis d’insouciance, une expérience vivifiante.
Quel est votre premier souvenir de voyage?
Mon premier souvenir de voyage, c’est mon départ de Casablanca, à l’âge de 6 ans, pour venir en France. Ce n’était pas très dépaysant car il y avait des palmiers et de la tendresse des deux côtés.
Racontez-nous un souvenir de voyage marquant.
À 23 ans, j’avais une Harley-Davidson Duo-Glide rouge pailleté, avec des pneus à flancs blancs. Je suis parti de Paris vers le sud dans mon Perfecto. J’ai traversé la Provence, les Cinque Terre, la Toscane, et je suis rentré. J’en ai un souvenir magnifique, sensoriel: chaque lieu, chaque ville avait son parfum et sa lumière.
Votre dernier voyage ?
Le plus tard possible.Qu’y a-t-il dans vos bagages ? Et l’objet indispensable dans votre valise?
J’emporte des dessins, des carnets, des feuilles de couleur pour faire des découpages, des ciseaux, de la colle, une photo de ceux que j’aime, des livres qui parlent d’une manière onirique des pays que je traverse, et définitivement une petite base de musique pour écouter le son que j’aime en phase avec les paysages. Je rapporte du sable dans les poches, du sel dans les cheveux, du soleil dans les yeux et des souvenirs dans le cœur. Des boîtes de craies pour dessiner des anges dans toutes les villes que je traverse, et un drapeau pour caresser le vent (comme indispensables).
Êtes-vous plutôt malle, valise, sac de voyage ou sans bagage ?
J’ai longtemps été sac traditionnel Goyard multicolore, que je faisais customiser avec des cartoons. Aujourd’hui, je suis valise, avec une Rimowa de couleur kaki, parfaite. J’aimerais d’ailleurs bien en dessiner une pour cette marque.
Globe-trotteur ou voyage immobile?
Voyage immobile quotidiennement puisque c’est mon métier. Ce voyage immobile, c’est de construire un panel de rêves que je propose aux autres comme des expériences émotionnelles. Je ne suis pas trop globe-trotteur, mais si je choisissais des destinations, elles seraient habitées par l’histoire, comme Carthagène, Zanzibar, Pondichéry ou Tombouctou.
Plage ou bitume?
Je suis les deux. Avec Pauline et Eugénie, ma femme et ma fille, les lieux les plus décalés me conviennent aussi.
Vos destinations et vos hôtels favoris?
Une petite tour sur le port d’Amalfi, un lieu merveilleux où le temps s’arrête. Le Cipriani, à Asolo, dans le Veneto, et l’Hôtel de l’Abbaye, à Paris, pour son jardin secret. Le Donjon, à Étretat, où j’ai participé aux décors.
Vos adresses favorites à Saint Germain?
Le square Taras-Chevtchenko, face à l’Ange géographe, avec une glace de chez Angiolo; le Café de Flore, au premier étage, pour les souvenirs; Lipp, table 14; Yen, un restaurant japonais de la rue Saint-Benoît, délicieux; et enfin la librairie L’Écume des pages, merveilleuse île de l’écriture.
Quel serait le meilleur conseil voyageur que vous donneriez aux lecteurs de Plume Travels?
Partir en bonne compagnie, choisir des destinations où l’authenticité n’a pas succombé à la tentation.
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